Research studies

Des réformes et des écueils : Changement et dysfonctionnements du système politique au Maroc

Reforms and difficlties : Change and Dysfunctions of the Political System in Morocco

 

Prepared by the researcher :  RIDA LAHRICHI – Docteur en droit public et sciences politiques – Université Hassan II

Democratic Arabic Center

Journal of extremism and armed groups : Twelfth Issue – August 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2628-8389
Journal of extremism and armed groups

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  Résumé

  Le système politique marocain peine, se contredit et nourrit ces réflexions avancées  qui le conduisent à son dysfonctionnement. L’écart énorme entre le texte et son application et la persistance de certains  éléments anti-démocratiques  conjuguée aux revendications sociales de plus en plus fortes et légitimes accélèrent ce dysfonctionnement.

Abstract

The Moroccan political system struggles, contradicts itself and nourishes these advanced reflections which lead it to its dysfunction. The enormous gap between the text and its application and the persistence of certain anti-democratic elements combined with increasingly strong and legitimate social demands are accelerating this dysfunction.

Introduction

  En dépit des réformes d’ordre constitutionnel et institutionnel que le Maroc a connues, le changement politique fonctionne péniblement au regard de la portée très limitée de ces dernières, des contraintes socio-économiques qui pèsent sur les citoyens ( comme celles pesant sur les citoyens en Egypte, au Yémen et en Tunisie)  , et de la méfiance vis à vis de la vie politique et ses acteurs. Le système politique marocain est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale[1]. A en venir de plus près, la réalité politique ne correspond guère aux avancées textuelles et institutionnelles ; ceci entrave et retarde tout changement politique. La littérature sur la démocratie a identifié plusieurs facteurs allant de la libéralisation politique à l’inclusion socio-politique des citoyens[2]. Le Maroc inscrit dans  « the third wave of democratization [3]» fournit des efforts dans une région caractérisée par une faible libéralisation politique[4] ; et surtout que certaines lois n’émanent pas de la raison mais de Dieu[5].

  En examinant les dites réformes constitutionnelles et institutionnelles (I), nous montrerons qu’elles étaient surestimées et n’apportent pas un changement profond à l’organisation du pouvoir  politique au Maroc. Dans un second lieu, nous présenterons les écueils qui persistent et qui font que le système politique se désagrège (II) en prenant appui sur la gestion centralisée des affaires de l’Etat et la montée des revendications sociales tout azimut. Quelles sont les raisons qui donnent lieu à ces  dysfonctionnements au niveau du texte et de la réalité sociale ?

Plan

Introduction

I- Les réformes constitutionnelles et institutionnelles surestimées

 1- Nouvelle architecture constitutionnelle et persistance de la supériorité de l’institution royale

2- Nouveaux cadres institutionnels fortement limités

II- Des écueils démocratiques déstabilisants

1 – La gestion centralisée des affaires de l’Etat

2- Le désenchantement social généralisé

I- Les réformes constitutionnelles et institutionnelles surestimées

   Les réformes constitutionnelles demeurent stériles et improductives et les nouveaux cadres institutionnels sont de façade, bien que les réformes constitutionnelles  de 1992, 1996 et 2011 ont constitué un cadre juridique favorable à la démocratisation et devraient naturellement légitimer et consolider la dynamique réformiste entreprise par le régime[6].

  • Nouvelle architecture constitutionnelle et persistance de la supériorité de l’institution royale

     Appelés de « noyau dur de l’édifice constitutionnel[7]», les pouvoirs attribués au Monarque lui consacrent des prérogatives suprêmes d’arbitrage, de commanderie des croyants, de proclamation d’état d’exception et de dissolution du parlement, faisant ainsi de lui le chef religieux et politique. Cette suprématie a été construite depuis l’indépendance et a été consacrée par les constitutions successives.

   La nouvelle constitution de 2011[8] introduit un certain nombre de principes démocratiques, qui en réalité se trouvent vidés de leur sens. La séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif annoncée comme suit : ” Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs[9]” reste inaccessible car le Roi conserve le pouvoir de promulgation des lois sous forme de décrets royaux. Ainsi, tout produit législatif pourrait être bloquée par lui et mettre fin à toute volonté et action du parlement qui ne correspond pas à ses intérêts dans le cadre des travaux du conseil des ministres, comme le soutenait la doctrine constitutionnelle, la position du Roi reste au-dessus[10] de tout car ” ce cadrage doctrinal da la position royale dans le système politique inhibe toute velléité de changement institutionnel et vide ainsi de son continu le projet de redistribution du pouvoir[11]“.

 Les revendications du mouvement du 20 février incluaient l’instauration de la monarchie parlementaire. Encore, sur le plan judiciaire, le Roi, clé de voûte[12] du régime politique marocain, bénéficie de l’immunité juridictionnelle, ce qui le met à l’abri de toute responsabilité devant le peuple et le met au-dessus des lois[13]. D’ailleurs, la nomination de six juges au sein de la Cour constitutionnelle constitue en elle-même une entrave au principe de l’indépendance des juges.  Il a le droit d’annuler les décisions judiciaires  sans motivation aucune car il est le supérieur direct des magistrats de l’Etat.  Qu’en est-il des réformes institutionnelles?

 2- Nouveaux cadres institutionnels fortement limités

  La nouvelle Constitution, institutionnalisant l’opposition parlementaire et d’autres institutions comme celle du médiateur méritent quelques précisions. Il ne suffit pas d’énoncer quelques compétences de l’opposition parlementaire dans l’article… de la Constitution pour conclure qu’elle exerce bien son devoir de contrôle.  En réalité, l’opposition parlementaire se trouve démunie de toute implication pratique faisant fi aux recommandations de la Commission de Venise dont le Maroc fait partie depuis 2007. Egalement, l’opposition politique n’existe pas, de même qu’au niveau de la liberté d’expression, plusieurs voix se sont vu taire et des journalistes ont été mis en prison pour des procès  peu convaincants.  De même, l’institution du médiateur  nommée personnellement par le Roi devait être normalement élu parmi les personnalités honorables et indépendantes du pays. Au regard même de la majorité gouvernementale, elle ne jouit pas d’une grande légitimité vu que le taux de participation politique aux élections[14] (largement dominées par la corruption et le clientélisme)  demeure très faible.

II- Des écueils démocratiques déstabilisants

   Des écueils ont montré la déstabilisation du système politique marocain  à savoir la gestion centralisée  en continu des affaires de l’Etat malgré les réformes administratives et constitutionnelles et la montée de la colère sociale généralisée.

1 –  La gestion centralisée des affaires de l’Etat

   Malgré le fait que la Constitution marocaine annonce dans son article premier que ” L’organisation territoriale du Royaume est décentralisée, fondée sur une régionalisation avancée”, il s’est avéré dans la pratique et principalement lors de la gestion de la crise de la pandémie de la Covid 19 que les régions ont été réduites au silence et que l’autorité centrale représentée par le ministère de l’intérieur qui a mis la main sur la gestion des affaires de l’Etat sans aucune implication des représentants de la nation au niveau national, régional  et local. Ceci remet en question les dispositions annoncées dans le préambule de la Constitution  de 2011 qui dit stipule : « fidèle à son choix irréversible de construire un État de droit démocratique, le royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance ». Qu’en est-il de la crise sociale généralisée?

2-  Le désenchantement social généralisé 

   Le moment présent incluant le début des revendications du mouvement du 20 février à nos jours continue d’attester du désenchantement des citoyens  et qui réclament à titre de citoyen ou en titre d’appartenance à une catégorie professionnelle  des réformes structurelles  au niveau politique et social.  Si on voit le nombre de groupes contestataires sillonnant les rues de la capitale, nous serons conscients du degré de la colère installée et la faillite des instances de représentation politique et syndicale dans la gestion de la crise sociale que le pays traverse. C’est ce qui remet en cause la crédibilité surtout des partis politiques dont l’élite vieillit : ” L’absence de renouvellement de l’élite  constitue un handicap important  à toute évolution de la chose politique. L’absence de démocratie dans les sphères de la société et de l’Etat n’a pas permis une mobilité des compétences ce qui s’est traduit par l’indigence des débats, l’absence d’audace, et de vision et enfin d’une certaine sclérose des partis[15]“.

 Ceci raffermit encore  les propos du  Roi Mohamed VI, celle il disait que : ” ce qui nous manque, en définitive,  ce ne sont pas les textes juridiques à caractère démocratique, que l’adhésion totale à la démocratie dont il faut s’imprégner en tant que culture et en tant que conduite[16]“. Ce qui tarde bien naturellement.

 Les comportements agressifs et violents dont les enseignants ont été victimes remet en question toute l’armada juridique[17] annoncée dans le préambule de la Constitution. Dès lors,  face à cette perte de légitimité dans l’organisation parlementaire de l’intérieur et dans les partis politiques qui devaient encadrer les citoyens et être porteurs de leur malaise social et leurs revendications professionnelles, l’Etat continue à respecter à la lettre les instructions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

 Egalement, le discours médiatique véhicule brandit les réussites en Afrique d’un modèle de développement économique prometteur. Toutefois, ce discours reste lettre morte et ne produit pas de la cohésion sociale et ne conduit qu’à  la création d’un mythe qui n’a d’existence que dans l’esprit des dirigeants, vu que les retombées restent absentes et ne sont pas ressenties dans le quotidien des citoyens. Ces derniers estiment qu’ils sont dans le besoin plus que d’autres étrangers dans des pays lointains à qui l’Etat marocain vient en aide[18].

Bibliographie

Ouvrages

Azbeg Hynd Saidi, « Processus de démocratisation et monarchie constitutionnelle au Maroc », droit, Université de Bordeaux, 2014

–  Badie Bertrand, « Les deux Etats, Pouvoir et société en occident et en terre d’islam », Fayard, 1987, 245 p

–  Huntington Samuel, The thurd wave of democratization in the late twentieth century », Oklahoma press, Jan ; 1993, 433p

Articles

 Bendourou .O, « La nouvelle constitution marocaine du 29 juillet 2011 », in Revue française de droit constitutionnel, 2012/3 n° 91, pp 511- 535

– Bendourou .O, « les rapports entre le Roi et le gouvernement », in Alternance et transition démocratique, 2012

– Enhaili Aziz , «  une transition politique verrouillée », Confluences méditerranéennes , N°31 , Automne 1999 ? L’Harmattan , pp 57-75

–  TOZY Mohamed, « le Roi, commandeur des croyants », in G.Vedel , Edification d’un Etat moderne. Le Maroc de Hassan II, Albin Michel, 1986, pp 56-58

–   Markoff.J, « Globalization and the future of democracy », Journal of world systems research , 1999, pp 222- 230

  Thomas Carothers, « The end of the transition paradifm », Journal of democracy, Vol 13,Number 1, January 2002, pp 222-234 

Documents officiels

– Constitution marocaine de 2011.

– Discours royal du 30 juillet 2001.

– Pacte international relatif  aux droits civils et politiques.

[1] Article Premier, Constitution marocaine 2011

[2] Markoff.J, « Globalization and the future of democracy », Journal of world systems research , 1999, p209

[3] Samuel Huntington, The thurd wave of democratization in the late twentieth century », Oklahoma press, Jan ; 1993, p 366

[4] Thomas Carothers, « The end of the transition paradifm », Journal of democracy, Vol 13, Number 1, January 2002, p 322

[5] Bertrand Badie, « Les deux Etats, Pouvoir et société en occident et en terre d’islam », Fayard, 1987, p 45

[6] Hynd Saidi Azbeg, « Processus de démcratisation et monarchie constitutionnelle au Maroc », droit, Université de Bordeaux, 2014

[7] Aziz Enhaili, «  une transition politique verrouillée », Confluences méditerranéennes , N°31 , Automne 1999 ? L’Harmattan, p 58

[8] Il faut rappeler que c’est une commission consultative composée de 17 membres nommés par le Roi qui était à l’origine du projet de la Constitution

[9] Article premier, Constitution marocaine 2011;

[10] Dans l’article 41 et 42 de la Constitution de 2011, le statut du Roi est consolidé et renforcé

[11] Mohamed TOZY, “le Roi, commandeur des croyants”, in G.Vedel, Edification d’un Etat moderne. Le Maroc de Hassan II, Albin Michel, p70

[12] O.Bendourou, La nouvelle constitution marocaine du 29 juillet 2011, in Revue française de droit constitutionnel, 2012/3 n° 91 p, 517

[13] Lire l’article 6 de la Constitution marocaine de 2011 qui dit que :”La loi est l’expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s’y soumettre”.

[14] qui devraient être normalement selon l’article 11 de la Constitution de 2011 libres, sincères et transparentes  (et) constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique”.

[15] O.Bendourou, “les rapports entre le Roi et le gouvernement”, in Alternance et transition démocratique p 111

[16] Discours royal du 30 juillet 2001

[17] L’article 19 du Pacte international relatif  aux droits civils et politiques  ratifié par le Maroc  en 1979 énonce que ” nul ne peut être inquiété pour ses opinions”

[18] Par exemple, les aides envoyées au Liban et d’autres pays africains.

5/5 - (3 أصوات)

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